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persuadée qu’il n’ignore point à quels fâcheux commentaires va prêter cette correspondance. Le colonel Dumont écrit à la Pompadour. Je vois d’ici la tête des francs-maçons, de ma femme, du ministre, des amiraux et de tous les officiers de toute la marine française. Les uns et les autres vont, à leur habitude, arguer de ma folie, comme ils n’ont arrêté de le faire, depuis le jour où, en Algérie, j’ai trouvé le moyen de supprimer les vaisseaux de guerre en attachant aux roues de canons des feuilles de palmier qui faisaient nageoire. Ainsi chaque pièce d’artillerie pouvait facilement, sans frais, devenir poisson mitrailleur.

Le poisson mitrailleur. Parce que mon invention déplaisait au ministre, aux amiraux, aux officiers qu’elle rendait désormais inutiles, après avoir fait alliance avec ma femme, ils m’ont enfermé à Ratapoilopolis avec les fous. Et là, parmi les monstres de l’esprit et du cœur, je demeure le seul à posséder ma raison, mon génie d’inventeur.

Un vieux dur à cuire, comme moi, ne sait pas, Madame, composer des bluettes. Je n’irai donc point par quatre chemins. Si j’implore votre bon cœur, c’est que, à parler franc, vous n’êtes pas ce qu’on appelle une femme de devoir. Bravo. J’en ai assez des femmes de devoir. La colonelle Dumont qui en est une m’apparaît de près et de loin comme une simple emmerdeuse.

Une emmerdeuse. Excusez le mot, marquise. Il est rude, j’en conviens, mais lui seul donne idée du caractère et de