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tance est une tasse, même de la plus précieuse porcelaine, pour qui vient de trouver une amie… car vous êtes mon amie, n’est-ce pas Herminie.

— Oh ! oui, Louisa ! Je vous comprends si bien. Car moi aussi j’ai souffert. Il est vrai que je n’ai pas eu votre sagesse, votre mesure, et la main sur le renard coupable (à elle maintenant d’être éloquente) : j’ai brisé ma vie. J’ai tenu à épouser M. Blok, j’étais sentimentale, il avait de belles mains. Je ne me suis pas méfiée.

— Vous avez eu tort, mais voyez, la prudence elle-même n’est pas toujours récompensée. Je ne suis ni une excentrique ni une exaltée. N’empêche que mon mari est fou. » Et Mme Dumont-Dufour, comme si le Dieu de vengeance lui-même parlait par sa bouche, martèle : Fou à lier, je vous l’ai dit, je vous le répète, fou à lier. Ah ! tout colonel qu’il était, la débauche, le jeu, l’alcool, les filles l’ont mis dans un joli état.

Mme Blok dit à Mme Dumont-Dufour que grâce à certains récits de Bricoulet (qui a un ami directeur dans un asile dans la Seine-Inférieure) elle n’ignore pas les étranges ressources de la folie. D’un psychiatre, Bricoulet a recueilli tant d’histoires, que dans les dîners, il commence dès le potage et jusqu’à l’heure du départ continue, sans arrêter, des récits dont le folklore des asiles fait tous les frais. Les maîtresses de maison n’ont point à se fatiguer dans la direction des propos de table ou de salon. Honoré tient le crachoir, constate Mme Blok,