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qu’il n’est point assez sûr de soi, de son français, pour s’y aventurer seul. Chez lui surtout, il tient à ce que de la condescendance, voire du respect soient témoignés à ses invités de la porte des Lilas dont il estime d’autant plus les nuques rases, les foulards rouges, la grâce à valser et l’argot que la Roumano-Scandinave, pour qui au fond il a un grand respect, déclare ses jeunes boxeurs invertis, des artistes, des danseurs géniaux, des poètes supérieurs même à Nijinsky qu’elle estime cependant l’homme le plus divin de tous les pays, de tous les temps.

Ainsi Bruggle et son « dompteuse », parce qu’ils ont convié quelques snobs à voir deux jeunes voyous se trémousser au son du piano mécanique, se prennent pour des prophètes, et la danse finie, tandis que M. Arthur explose d’admiration, la Roumano-Scandinave rythme de ses bravos un « admirable mon cher ». Totor et Armand l’Éventré saluent, ils ont chaud et Bruggle tire de sa poche un mouchoir magnifique — un cadeau de Pierre — pour essuyer le front de Totor, puis comme Totor fait mine de lui rendre :

— Garde-le.

Pierre pâlit. Arthur bientôt s’apercevra qu’il boit seul dans un coin, les yeux trop brillants. Il l’interpellera : Allo ! Pierre, tu t’ennuies.

— Non Arthur.

— Pourquoi alors fais-tu cette mine. C’est à croire