Page:René Crevel La Mort Difficile 1926 Simon Kra Editeur.djvu/186

Cette page n’a pas encore été corrigée

pays, si, parfois il leur arrive de devenir libres, innocents, jamais, ne naissent ni libres ni innocents.

Donc, tandis que Pierre ne peut rien contre certaine surprise anxieuse, Bruggle au contraire, si indomptable demeure-t-il, saura toujours arrêter les poussées de malheur, par les arguments de la plus élémentaire raison. Qu’il ait constaté que son intérêt est de se laisser convaincre, et comme celle des objets et des faits, il savourera la sécurité de telle théorie scientifique. Nul fantôme mystique ne viendra l’effrayer. Ses nuits peut-être seront hantées, mais ses peurs demeurées sans écho, jamais ne le prolongeront dans le passé, dans l’avenir. Petit sauvage et d’autant plus sauvage qu’il se satisfait d’une hypothèse, comme une négresse d’un collier de verroteries, à Pierre qui lui parlera de craintes qui dépassent les mots, les choses, les êtres présents, il répondra qu’il n’y a pas lieu de se faire de la bile, qu’un homme qui a son contrôle ne tombe pas dans les pièges d’un si vague romantisme. Son meilleur argument ? L’homme descend du singe, et pour parler du darwinisme, et d’un procès intenté récemment par les réactionnaires à un jeune professeur des Etats-Unis, partisan convaincu de l’Evolution, il se montrera si pleinement sûr de soi que les sympathies de Pierre iront à ceux qui croient la femme sortie d’une côte de l’homme et prennent à la lettre toutes les métaphores bibliques. Or dès qu’il parle des mystères