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bouquets de lumière au-dessus des portes, les enseignes d’hôtel qui s’éteignent et se rallument (font de l’œil, dit M. Arthur), et les nuques rasées, les foulards rouges, les bottines à tige de drap trop clair dont ne manque jamais de s’émouvoir le même Arthur, regard liquide, paupières plus habiles à frémir que des ailes, narines ouvertes à deux battants pour mieux se soûler d’une odeur d’humidité chaude, de cerise à l’eau-de-vie et de chair jeune et facile.

Pierre monte à pas lents les cinq étages, son cœur bat très fort, car déjà il imagine Bruggle parmi ce qu’il appelle avec un sourire qui n’est pas de simple ironie, ses splendeurs. Le studio est éclairé par des lanternes vénitiennes, tout un mur garni de bouteilles et, en réplique au Steinway, un piano mécanique, par quoi ont été remplacés le gramophone et les disques. Ainsi M. Arthur a créé une atmosphère, la même que celle des endroits où se réunissent les petits boxeurs, marlous, putains, truqueurs, à ses yeux tout neufs, curiosités d’un usage plus intimement voluptueux, mais curiosités et au même titre que les statues nègres, la psychanalyse, l’île Saint-Louis.

Pierre n’a jamais osé reprocher à Bruggle ce qu’il appellerait volontiers les jours de mauvaise humeur, un snobisme. Ce soir il ne voit rien que d’attendrissant dans cette manie et même il sourit au souvenir d’un dîner qui lui parut interminable entre Arthur et un