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plus et me plaquerait sinon de fait, du moins moralement, ou bien, ce qui d’ailleurs reviendrait au même, se ferait docile à n’être plus que miroir. D’elle, j’aurais tout juste alors les images de ma solitude médiocre et d’une lâcheté qui au mien aurait uni son sort.

Diane n’est pas vraiment forte, puisqu’elle n’existe qu’en fonction de moi, en faveur de mes hantises qu’elle prétend guérir. Le bien même qu’elle veut me faire la source en est en moi et non en elle, puisque, si elle ne m’avait rencontré, jamais elle n’en aurait eu la notion. Bruggle au contraire je l’aime parce qu’il est. L’essentiel de lui me demeure plus fermé qu’un noyau. Moi-même, si je lui obéis, si je suis docile à ses moindres volontés, il sait qu’il pourrait me briser sans que je lui livre mes secrets, cette amande qu’une Diane par exemple m’a donnée spontanément. Nous nous cognons, nous nous faisons du mal. Rien entre nous, qui ne soit lutte. Notre amour n’est pas une carie. Nous nous déchirons, nos lèvres saignent, nos mâchoires sont cassées mais pas une seule dent n’est attaquée à la pulpe. Il me torture, il me bat avec son esprit dur, son esprit hermétique et plus nous nous aimons plus nous sommes ennemis, mais aucun ne désire que l’autre à lui se soumette. Il faut être une femme, Omphale, pour faire filer Hercule et se réjouir de le voir filer.

Bruggle, des jours d’injures, des nuits de dents heurtées que je lui dois, j’ai pris notion de ma liberté.