Page:René Crevel La Mort Difficile 1926 Simon Kra Editeur.djvu/151

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elle ne se contente plus de cette paisible avenue, l’amitié, dont les possibilités sereines d’abord lui ont suffi. Pour moi, aujourd’hui, elle a moins d’affection que de haine pour Bruggle et jamais elle ne lui pardonnera de m’avoir fait découvrir le pays des splendides tourments : l’amour. Aucune femme, d’ailleurs, se répète Pierre, ne penserait ou n’agirait autrement. Ainsi, celle qu’Arthur appelle « son dompteuse », cette comtesse roumano-scandinave alors que, loin de s’offusquer des gestes qui, imaginait-elle, exprimaient nos désirs, elle semblait prendre un certain plaisir, dont au reste Arthur se choquait, à en parler, s’est au contraire moquée puis exaspérée de tout ce qui lui a prouvé qu’il ne s’agissait pas entre nous de simples fantaisies sexuelles. Si je couchais avec des voyous, cette Roumano-Scandinave, qui professe la liberté d’esprit, me déclarerait charmant jeune homme, se réjouirait, crierait au pittoresque, mais qu’elle me sache malade du plus étrange garçon, possédé mais incapable de m’en vouloir guérir, elle ne comprend plus.

Tant que les tiers croient à un vice, tant qu’ils en espèrent des spectacles bien montés, ou même à la rigueur un éparpillement de gestes qu’ils se réjouissent de juger aussi coupables et aussi rares que les orchidées d’Oscar Wilde, respectueux intérêt. Mais vienne la souffrance que ne révèle aucune cocasserie, que ne grossissent ni les persécutions sociales, ni le cachot,