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qu’il ne lui a demandé de venir que pour lui donner le spectacle de son détachement tout neuf. D’autres soirs, déjà, il ne se plaignait point avec des mots mais il prenait alors les mains de Diane, en faisait un bandeau pour son front chaud et, des doigts frais, tendres aimants, du crâne, extirpaient les douleurs dont il était cloué. Aujourd’hui qu’on ne lui demande plus rien, elle regrette la guérison du malade et en même temps elle a honte, car il lui faut bien s’avouer que si elle a voulu soulager la hantise de Pierre, ce fut moins en vue du bienfait lui-même que pour la joie des heures qu’elle y consacrait.

Paumes, hirondelles blanches, dont les nids sont deux tempes douloureuses, il ne faut pas qu’elles tremblent, il ne faut pas qu’elles aient chaud. Diane devant son miroir a appris une grimace qui donne l’impression du sourire. Cette grimace lui faisait mal. C’était comme si elle avait relevé ses lèvres avec des épingles de sûreté. Mais elle voulait croire que Pierre se laissait prendre au mensonge de cette bouche figée dans la joie. Dès qu’elle l’avait quitté, les jours où il s’était confiné dans sa propre douleur, sans avoir un mot affectueux pour elle, Diane laissait tomber le masque et du sourire qu’elle avait singé durant des heures, une glace soudain lui montrait qu’il ne restait plus que deux petites rides. Deux petites rides. Elle se rappelait que Pierre en partant lui avait dit qu’il