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il sait que va renaître, pour sa torture, un nouveau Bruggle.

Diane, Bruggle, Diane, Bruggle. Les syllabes se confondent et ceux aussi qu’elles désignent. L’odeur d’une viande ne peut plus rappeler la salle de restaurant. Toutes les pièces relatives, tables, chaises, nappes, fourchettes, cuillers, couteaux et la Diane elle-même du dîner, se désarticulent et chacun des éléments qui les composent s’enfuit. Les murs se sont écartés. Les yeux de Pierre contemplent un spectacle sans objet. L’autre nuit déjà, il a suivi la route du sommeil jusqu’au point que nul mot ne saurait désigner.

Il était seul, il était vide. L’aventure avait commencé lorsque, d’un thorax pétrifié, les poumons, oiseaux de rubis et de feutre, s’étaient envolés. Ils étaient montés en plein ciel, plus doux que les anges qui sont pourtant, comme chacun sait, des créatures sans os, et la poitrine plus fière que la coque d’un navire tout neuf s’était réjouie comme d’une virginité un peu sotte enfin perdue. Et là-bas sur la route des soldats qui rencontrèrent le thorax inhabité, des soldats qui levèrent alors les yeux au ciel et virent une tache rouge dans le soleil, lourdement, leurs pieds rythmant le couplet, se mirent à chanter :


Qu’est-ce que c’est qu’un pucelage ?
C’est un oiseau languissant