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c’est se croire dans un bain. » Que ne rappelle-t-il toujours ce jugement ! Alors, au lieu d’essayer des comparaisons, il se louerait d’avoir rencontré un homme capable de devenir oiseau si la fantaisie lui prend de voler. Ainsi, jamais n’aurait-il eu besoin de s’acharner contre soi pour préparer le triomphe de Bruggle.

Des sacrifices, il est vrai, que Pierre d’une part consent à Bruggle, et d’autre part Diane à Pierre, de ces amputations volontaires ou non, ne décide point la seule humilité adoratrice mais un calcul aussi, grâce à quoi le plus fervent se réjouira plus, se réjouira mieux de ce qui lui aura été accordé. Plus misérable le mendiant, plus belle l’aumône. Un jour, hélas ! celui qui implorait du regard ou de la voix, mais avait encore toute la route pour s’y griser de sa détresse, réduit en servitude, devra bien s’avouer que, seule, le contraint d’accepter son triste sort et de vouloir qu’il se prolonge la peur maladroite d’être à jamais délaissé.

Pour l’heure, Pierre qui n’aurait pas eu la patience d’aller chez Bruggle, est condamné à trépigner dans une petite boîte où la demoiselle des postes se plaît à prolonger une attente qu’elle espère fiévreuse. Il n’a plus aucune illusion sur les soucis auxquels le force cette soumission à Bruggle dont à l’instant il voulait encore se féliciter. Mais, s’il souffre de n’avoir pas obtenu le numéro demandé et comme si la lenteur à obtenir