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que celle-ci qu’il ne peut s’empêcher de répéter et que, d’ailleurs contredit sa fringale de Bruggle : « Les êtres qui m’ont hanté m’ont toujours hanté comme des pensées. » Et même, le désir de se connaître qu’il sent en Pierre effraie Bruggle qui déclare volontiers : « Toi et Diane, votre faute c’est de trop regarder en vous. »

Sans doute Arthur a-t-il raison, puisqu’il est heureux, sait user des choses et des gens, deviendrait poisson s’il tombait à l’eau et ne perd jamais son arme, une coquetterie dont les volontés naïves souvent lui valent cette joie dans la séduction qui donne toute sa beauté au visage où l’on avait d’abord remarqué les yeux, rien que, semblait-il, pour oublier une innocence trop simple, en faveur du diabolisme glauque d’un regard.

C’est pourquoi quiconque ne s’est laissé prendre au manège de Bruggle ne saurait comprendre la séduction pour les autres de ce New-Yorkais dont la dame roumano-scandinave, « sa dompteuse », avait sans doute raison de préférer la grâce à la partition de ce ballet d’opéra, prétexte et non réellement cause de son succès. Bruggle est d’une force qui n’a rien à voir avec l’intelligence au sens où nous l’entendons. Issue des profondeurs, sa puissance dépasse les moyens qu’elle a de s’exprimer consciemment et il serait aussi injuste qu’inexact de parler d’adresse à son endroit, mais une mystérieuse énergie jaillit de lui-même,