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autre être, et non dans celui qu’il touche, mais l’autre, le vrai, l’absent, son esprit prend haine d’un esprit que jamais il ne pourra connaître, et qu’il veut croire, quand même, noyau sensible, noyau palpable du fruit humain. Il se contente donc des plus viles aventures, et parfois en a un tel dégoût qu’il veut croire à quelque punition, volontairement infligée à sa chair. Mais pour les spectateurs, il a tout juste l’air d’un petit animal exigeant : « Pierre is like a dog », déclare Bruggle.

Pierre is like a dog. Il se répète l’injure, s’en irrite. Injure, injustice. Être traité de chien, alors que toute sa fièvre est d’inquiétude, et il se considère en victime, se dit que si sa mère ne lui avait pas inspiré par son attitude le mépris du sexe dit beau, il eût peut-être été le plus insouciant et le plus heureux des hommes à femmes. Il sait bien que pour Arthur l’amour jamais ne perdra sa gaieté de jeu ni son assurance esthétique. Le jeune Américain aime la mise en scène des pyjamas, des caleçons surprenants, du linge savant. Arthur a un trop grand goût des objets pour être sensible à ce que Pierre appelle (non sans orgueil et, pour une amère revanche dont il voudrait bien ne pas voir la vanité) les problèmes essentiels.

Ce joli animal, quoiqu’il lui ait toujours semblé aussi souple, aussi bien fait d’esprit que de corps, Pierre sait qu’il ne comprendra jamais des affirmations telles