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sion de famille a prononcé son prénom qu’elle avait lu par curiosité machinale et personnelle sur la fiche que doit remplir tout nouvel arrivant.

Eh bien ! M. Arthur, sous la pluie des nuits parisiennes, dix fois, cent fois, s’est dit qu’il aurait du courage, qu’il n’aurait pas froid, qu’il travaillerait.

Et M. Arthur a eu du courage, n’a pas eu froid, a travaillé.

Il avait entamé son dernier billet de cent francs quand le hasard voulut qu’il fît, par miracle, la connaissance d’une Roumaine qui, en vingt années, avait cinq fois changé de nom, de religion, de patrie. Elle était alors la femme d’un diplomate scandinave et comme telle du comité d’honneur des Ballets danois. Elle sut qu’Arthur composait, le fit venir chez elle, lui demanda de raconter son existence. Tout d’instinct, Arthur réussit à merveille, si bien, que son récit à peine achevé, avant même qu’il eût touché le clavier, pleine d’admiration pour ce garçon qui avait la moitié de son âge et trois fois plus d’aventures à son actif, la Roumano-Scandinave lui avait promis de le présenter au directeur des Ballets danois. Ce qu’elle fit. Arthur fut mis en rapport avec un peintre, un poète et, un mois plus tard, le trio avait accouché d’un ballet qui eut, en fin de saison, un succès très honorable.

Arthur Bruggle était sinon célèbre du moins lancé.