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« Monsieur Vincent ». Si j’agissais de la sorte, c’était dans une pensée scientifique, républicaine et laïque, née soudain de mon cerveau impartial et glacé. De même devant vous, je veux aborder Napoléon avec calme et froideur. Il ne faut pas nous échauffer sur des mots admirables que l’on rapporte de lui. Ces mots admirables sont tous de la légende… Quant à ses actes… faisons bien attention. Ils n’indiquent pas tant l’homme qu’il fut que l’homme qu’il a voulu avoir l’air d’être…

Et M. Aulard, la main onctueuse, bénit laïquement ses auditeurs surpris. Après quoi, d’une voix de mirliton, où l’on entend vibrer comme un fragile papier gommé, fragile ainsi que la vérité de l’Histoire, il s’explique et il détaille :

— On connaît surtout Napoléon comme soldat. Or, Napoléon lui-même, outre qu’il a toujours très mal fait son service (il se faisait mettre en congé et porter malade), Napoléon s’est défendu toute sa vie d’être un militaire ! Et il avait raison, cet homme, car la vérité militaire est impossible à dis-