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qu’il faut dénoncer : cet homme manque de courage.

Tel un chat maigre, lâché dans l’immense grenier du Premier Empire, il va doucement, patelinement, de son ton de bon apôtre, insinuer que Napoléon, que vous croyiez un grand Français, — tout discutable qu’il fût, — n’a été qu’un médiocre, servi par la chance. Et avec sa peur du risque, — car il craint la pomme cuite que je tiens là, dans ma poche, — il n’avouera jamais sa pensée sourde et perfide, dont il sent la bassesse. Il n’osera pas, dans une heure d’audace, déclarer : « Oui, j’exècre Napoléon, parce que je doute toujours de ce qui est grand, parce que je n’ai pas assez de vitalité ni de tolérance féconde pour comprendre autre chose que les fiches, qu’elles soient politiques ou historiques. » Et il voilera sa haine. Elle percera prudemment, par tout petits coups d’épingle, dont il criblera l’immense figure qu’il évoque malgré lui. Il s’étouffera soi-même dans des documents poussiéreux, soufflant leur poussière au nez de son auditoire. Pas un jour il n’at-