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GASPARD


III


Le régiment traversait un pays de grande culture, sans arbres, — rien que des avoines et des blés, avec des croix de pierre au coin des champs, — le morceau le moins pauvre et le plus pieux de la Lorraine, campagne toute blonde, presque rousse, d’aspect rude au soleil, et d’horizon si rectiligne et d’une couleur si uniforme que, même sous la pleine lumière du matin, on avait l’impression d’une terre forte, fruste et mélancolique. — Une chienne noire suivait les soldats, chienne affectueuse et affamée, dont les mamelles pendaient. Le canon n’arrêtait plus de tonner, et la bête et les hommes avaient des yeux inquiets.

Au bout d’une heure, halte ; faisceaux ; casse-croûte. La 24me compagnie fut seule désignée pour continuer la marche et s’installer à deux kilomètres, aux avant-postes.