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GASPARD

Puche, qui avait entendu, demanda en se glissant le long des rangs :

— Gaspard, toi et Moreau, je parie que vous êtes les moins éreintés.

— Oh ! ça… dame, ça… ça s’ peut, dit Gaspard.

Et il se redressait.

— Eh bien, vous allez partir avec le fourrier nous préparer une bonne soupe à dix kilomètres d’ici. Le régiment ralentit.

— Une soupe ?… oh ! ça colle… bon, ça colle.

Poussant Moreau du bras, il sortait déjà de la colonne pour la devancer.

— Et si on trouve des huîtres, on les prend ?

— Prends-les. Il y a du boni : la compagnie les paye.

Il ne trouva pas d’huîtres, mais au petit jour, un canard égaré près d’une ferme. Il se jeta dessus et le porta sur son bras durant plus d’une heure, le caressant et disant à Moreau : « C’est mon canar…ade de combat. » Puis, dans le champ où il reçut l’ordre de s’arrêter, il lui tordit le cou et l’accommoda.

Il alla au bois, il déterra des pommes de terre, il trouva de la « flotte », de « la légume » et un abri pour faire tirer son feu. Grâce à Gaspard, quand la compagnie arriva, la Faim se mit à table et la Fatigue s’évanouit.

Ah ! on ne remarqua pas, cette fois, que les