Page:René Benjamin - Gaspard, 1915.djvu/72

Cette page a été validée par deux contributeurs.
65
GASPARD

On refrappait à la porte. C’était Moreau, tout essoufflé.

— J’ vous avais vu filer. Tout d’ suite en tenue ! On décampe encore !

— Allons, dit Burette, pas le temps de gober un œuf !

— Oh ! ils commencent à nous courir su l’ haricot ! dit Gaspard.

— C’est la guerre ! fit le curé en riant. Je regrette pour le chocolat et le foin.

— C’est pas vot’ faute, dit Gaspard. Sale métier ! (Il vida son verre d’un trait.) Là-nedans, l’ plaisir, c’est d’embêter les gens.

Et ils grommelaient tous trois en retournant vers leur grange.

— On n’était pourtant pas mal, disait Moreau.

— J’ai assez trotté hier, disait Burette.

— Ah, pis… pis, disait Gaspard, on allait s’ mettre quèque chose dans la lampe, pasque t’ sais, vieux, l’ curé, l’ était bath ! Pour un curé, ça c’t un curé !

En chargeant son sac, en se mettant en route, après deux kilomètres, il en parlait encore.

— Moi, j’en ai connu des curés, mais des curés comme c’ curé-là, ça, il m’en bouche une surface !

— Tu es jeune, dit Burette ; donne-moi du tabac.

Il reprit, sortant sa blague, qui était une vessie de mouton avec un cordonnet vert :