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GASPARD

carré d’épaules, le teint hâlé et le regard dur, mais accueillant quand même, et qu’on sentait plein de vie. Il dit :

— Vous accepterez bien du même coup un verre de vin.

Le nez de Gaspard en remuait de surprise. Il bredouilla :

— … Dame ça… m’sieur l’ curé sait c’ que c’est…

— Et s’il vous faut du tabac, dit le curé, du chocolat, des crayons, du papier, vous n’avez qu’à faire votre commande. Avec ma bicyclette je vais à Verdun tantôt.

— Ah ça… ça… c’t’ épatant, fit Gaspard, pasque le fait est qu’on trouve pus rien… J’ veux bien du chocolat,… pis du foin pour ma pipe… Ah, hein. Burette, ça c’t’ épatant !

— Et vous aurez tout ce soir, dit le curé. Seulement, après, il faudra entrer en Allemagne.

— Et comment ! Pis si on peut leur chiper leur Guillaume…

Le curé dit :

— Pouh ! Qu’est-ce que vous en feriez ?

— Oh ! dit Gaspard, c’est pas pour l’ faire empailler, ni r’monter en épingue à cravate, mais l’ tenir comme ça, pis y dire dans les yeux : « Crapule, va, vieille crapule ; tu t’ rends-t-il compte de c’ que t’as fait ? »