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GASPARD

Gaspard sentait tout cela, et dans son amour-propre de Parisien si heureux d’être indispensable et un peu vanté, tout de suite, de lui-même, il s’était mis au fricot :

— Ayez pas peur. J’ vous ferai ça à l’oseille.

Rien, dans la vie, ne le disposait à la cuisine. Il était débrouillard, mais l’habitude d’acheter et de préparer des escargots ne l’aidait nullement à faire la soupe. La sienne fut une « lavasse » déplorable. Gaspard était l’homme-jus. Sa viande fondit : il noya l’escouade. Pourtant, il y avait de la fierté dans sa voix, quand il déclarait : « C’est cuit. Bouffez ! » Et les hommes qui savaient qu’un cuistot est sensible, n’étaient pas chiches de compliments. La bouche pleine, ils s’arrêtaient de mâcher pour dire : « Ch’est bath… »

— Hein, faisait Gaspard, j’ sais m’ débrouiller ; j’ai trouvé du beurre et des oignons. J’ crois qu’y a c’ qu’il faut, pis qu’ c’est foutu.

Et les autres, s’inondant l’estomac de leurs cuillerées d’eau chaude, reprenaient :

— Pour ça oui… quant à ça… ah, ça… tu sais y faire.

— Il ne manque, dit Burette, qu’un petit verre de vin d’Espagne.

Il était voluptueusement allongé dans la paille, pieds nus et remuant les doigts pour se délasser. Il regardait la grange immense, avec ses murs