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GASPARD

il n’expliqua rien de plus, parce que sa bête énervée le secouait en se cabrant.

— Allons, Cocotte… ma petite Cocotte…

Gaspard se mit à rire :

— L’ piston, il s’en fait toujours pas !

Une heure après on atteignit un village. Arrêt : cantonnement ; on n’entendait plus du tout le canon.

— J’ lai ben dit, déclara Pinceloup, les Alboches on les verra point.

Le fait est que ce nouveau village lorrain semblait paisible et loin des batailles. Il était pauvre comme le premier, avec des murs fendus de lézardes et des fumiers sur la route, mais il faisait une journée d’été si bienveillante pour la misère, que le dénûment de toutes ces bicoques semblait plus curieux que pitoyable.

— Où qu’on est ? demanda Gaspard à une vieille femme, qui, d’une clé rouillée, essayait d’ouvrir sa grange pour la compagnie.

— On est… on est chez nous, pardi ! grogna la vieille.

— Mais… est-on loin d’ chez eux ?

— D’ici à Metz, ça fait huit lieues.

— Huit lieues ! Oh, y a du bon… on est réserve, faut pas s’en faire… Les copains, eh les copains, on va toujours s’ taper la cerise avec une bonne soupe mitonnée !