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GASPARD

— Bong ! Et allez-z-y ! Ça leur leur-z-y fait toujours un marron su l’ coin de l’œil !

Ce mot fut un succès. On avait beau marcher depuis six heures, les hommes étaient gaillards, bavards, joyeux. D’ailleurs, une nouvelle admirable courait les rangs : la révolution venait d’éclater en Allemagne… oui, la révolution. Alors, ils se tapaient les coudes : « Ah ! dis donc ! », mais ils n’étaient pas surpris, car depuis le 2 août la chose était prévue. Est-ce qu’un peuple ne se retourne pas toujours contre ses chefs, quand il voit tant de voisins lui tomber sur le dos ?

— L’ copain Burette l’avait dit, remarqua Gaspard. C’t un type qui sait les choses.

— C’était forcé, fit tranquillement Burette, la face épanouie et le képi sur l’oreille. Dans les journaux, tout le monde le savait. La coalition contre l’Allemagne, c’est pour elle, au bout d’un mois, la guerre intérieure, la banqueroute ou la famine.

— Parfaitement, dit Gaspard, et ils en sont p’t’être à bouffer leurs semelles de bottes à la croque au sel !

Le capitaine longeait la colonne sur son cheval.

— Mon capitaine… y a la révolution en Allemagne ?

Puche répondit simplement : « On le dit » et