Page:René Benjamin - Gaspard, 1915.djvu/323

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Elle se leva et lui tendit les deux mains, comme dans sa lettre.

— Monsieur Gaspard, je comprends ce qu’écrivait mon mari : vous êtes un cœur d’or !… Je veux… je vais vous chercher sa photographie.

Elle passa à côté. Gaspard se leva et se regarda dans la glace. Et sa propre image avait l’air de causer avec lui et de lui dire : « Mais… satané type, c’est la mort de l’autre que tu lui as racontée là ? » Et le vrai Gaspard répondait paisiblement : « J’m’en doute, parbleu !… Mais elle, est-ce qu’elle ira y voir ? L’autre, l’était vieux garçon ; alors histoire perdue ; à qui qu’ça profiterait qu’il soye bien mort ? »

La bonne entra. Mme Burette revenait aussi. Elle fit à sa domestique :

— Marie… Marie… Monsieur est un militaire ami de Monsieur… Monsieur a eu une bien belle mort, Marie… Il est tombé une balle au front. Puis, un obus a éclaté, et Monsieur Gaspard dit que la terre, en se soulevant, l’a recouvert comme une vague…

Sa voix tremblait, mais elle était très digne. La bonne hocha la tête :

— Ainsi !… Ah, voyez donc, madame ! Ainsi !…

Et il y eut un long silence, où l’émotion faisait battre ensemble les cœurs de ces deux êtres si différents, — ce marchand d’escargots, homme du