Page:René Benjamin - Gaspard, 1915.djvu/312

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Bibiche, de honte et de rage, pleura toute la journée. Par deux fois la concierge lui fit boire du tilleul.

Mais vers la fin de l’après-midi, le convalescent bavard et colporteur d’histoires, vint apporter une nouvelle si stupéfiante, que le chagrin de Bibiche du coup s’envola.

— Savez pas ? Y a un Américain qu’est v’nu voir Gaspard !

— Un Américain ? dit la concierge.

— Un type rasé, avec des bottines jaunes.

— Mais il venait pour Monsieur le Marquis.

— Il v’nait pour Gaspard ! Il y a dit comme ça qu’il savait du marquis qu’il était débrouillard, avec du bagout, et qu’alors, pisqu’il avait une patte ed’moins, s’il voulait, il l’enrôlait dans sa maison, qu’est une maison d’jambes articulées. Ah ! alors !… Gaspard, qui pourtant s’épate pas, il en bavait des ronds d’chapeau !… pasque… v’s savez pas combien qu’il l’paiera : dites voir un peu…

— Combien ? fit Bibiche dont la respiration s’arrêtait.

— Trois cents francs par mois !

— Oh ? fit Bibiche.

— Non ? fit la concierge.

— J’vous l’dis, et lai aussi va vous l’dire… Et s’il est heureux ! Pis alors, il dit qu’c’est bath