Page:René Benjamin - Gaspard, 1915.djvu/310

Cette page a été validée par deux contributeurs.

le train, comme lui. De ses yeux de loup qui guettaient dans l’ombre, il eut la joie de l’entrevoir sur le quai ; elle venait, elle montait.

— Ah dis donc !

Il s’en donna une claque sur la cuisse de plaisir.

Puis, lorsqu’on ferma les portières, il descendit vite à contre-voie, jetant d’abord ses béquilles sur le ballast ; il laissa filer le train ; et tranquillement il rentra au château, où il s’endormit du sommeil du juste.

Le lendemain, de bonne heure, il se présenta chez la concierge. Il avait une figure de bon garçon aimable ; il dit doucement à cette femme, stupéfaite de le voir :

— Bibiche… elle est pas là, s’il vous plaît ?

L’autre balbutia :

— Euh… c’est-à-dire…

Il fit tout de suite des yeux sévères :

— C’est-il qu’elle découcherait ?… C’est-il qu’elle m’f’rait des traits ? Non mais…, oh, mais… ben z’allons voir ça par exemple…

Il sortit, sans s’attarder à rien dire de plus, et il redescendit jusqu’à la gare où, fumant sa bouffarde, il attendit en paix le premier train de A…

Bibiche en descendit sens dessus dessous. Il lui barra le chemin carrément.

— Te v’là ! Vraiment te v’là ! Et d’où qu’tu