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— Oh ça… ça !…

Il lui venait des larmes. Mais elle ne se sentait plus de force pour lutter. Deux fois le même jour ! Que faire ?

— Y retourner ! dit la concierge. Faut pas se lasser, pas plus que lui !

— C’t effrayant !… c’est terrible ! faisait Bibiche d’une voix lamentable.

Et elle repartit pour la gare.

Il faisait une soirée douce et étoilée. Gaspard goûtait-il le charme de l’heure ? En tout cas, il s’en allait cette fois lentement, car sa femme le rattrapa. Il ne se sauvait point, comme un homme fautif qui cherche à se dérober ; il faisait joyeusement taper ses béquilles sur le pavé. Ce détail augmenta la confusion de Bibiche. Elle n’osa l’aborder. Elle le suivit à vingt pas. Elle pensait : « Faut que j’soye sûre c’te fois… Faut même que j’le laisse monter dans son train… Sans ça, il m’mentirait encore. » — Et c’est elle qui rasait les murs.

Il entra dans la gare, prit un billet, monta dans un wagon de troisième. Puis, tout seul, il se mit à rire, parce que depuis le tournant de la grand’route il avait aperçu sa femme, et qu’il était en train de réussir un projet diabolique.

Il se disait : « C’coup-ci, elle va vouloir m’pincer à A… ! » Alors, il s’attendait à ce qu’elle prît