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sautait devant elle, et voulait l’essouffler. Mais de lui voir la langue muette, la colère de Bibiche en croissait, et elle répétait, pour être entendue des boutiquières :

— Trompeur ! Fraudeur ! Courir les jupons quand on est marié, quand on a un enfant !

Lui n’avait pas l’air d’entendre : il faisait « bonjour » aux femmes.

Ils rentrèrent au château. Bibiche s’écroula sur une chaise, chez la concierge.

— Ah, vous l’avez… vous’le tenez ? bredouillait celle-ci.

Jusqu’au soir elles discutèrent sur la perfidie des hommes, tout le mal que fait la guerre, et la nécessité pour les femmes de se défendre, coûte que coûte.

Vers huit heures, un soldat convalescent, qui venait chaque soir tailler une bavette avec la concierge, raconta, en se tenant les côtes (il ne connaissait pas Bibiche), que Gaspard « avait chipé la clé du potager et venait de partir pour la gare : il découchait ; il allait à A… où une petite femme l’attendait ». Et il avait dit : « Que quelqu’un de vous aille donc le dire à la concierge ; ça la f’ra rigoler. »

La concierge bondit :

— C’est trop fort !

Bibiche balbutiait :