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GASPARD

mais il était prudent ; on lui avait confié cette fille-là ; il ne voulait pas d’histoires. La nuit, il l’enfermait à double tour. Le jour, il n’aimait point qu’on lui fît des galanteries trop pressantes.

Gaspard, lui, subissait une crise printanière.

Un mois avant, à l’hôpital, il avait vu sa femme, sa Bibiche. Il en parlait dans des termes assez peu amoureux ; il disait :

— Oh ! j’l’aime bien, mais ell’m’poisse !… J’espère qu’elle r’viendra pas d’si tôt. Elle peut pus m’voir sans pleurer. Et « mon pauv’e loup » par ci, et « mon poulet » par là, et « si c’est pas affreux comme ils t’ont arrangé !… » Ah ! j’l’ai envoyée paître !… Elle cherche tout l’temps la jambe qu’y est pus ; j’y ai dit : « regarde au moins l’aut’e, pisqu’il en reste une ! » J’t’en fiche ! Mon tit loup, mon pauv’e tit loup, hi hi !… Qu’est-ce qu’on va dev’nir, hi hi !… Ton métier, hi hi !… l’est fichu, hi hi !… » Qu’est ça peut m’foute à moi ; y en a-t-il pas six cent mille des métiers ? J’peux pus bouger, ben j’s’rai ministre : on les balade dans des landaus.

Et appelant « Mam’selle Annette ! », il continuait :

— Mam’selle Annette, j’veux divorcer… Veux vous épouser… Tous les deux, on rigolera tout l’temps !

Puis il chantait :