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tilèrent, emportèrent des morceaux de champ et d’hommes.

L’une d’elles jeta violemment sur le sol Gaspard et Mousse.

Quand l’épais nuage noir de sa puante fumée fut dissipé, Gaspard, hébété, tenta de se remettre debout. Il retomba et il fit :

— Ah !… Ma jambe !… Cré Bon Dieu !

Sa jambe droite, au-dessous du genou, était brisée, molle, et pendait, la culotte arrachée et sanglante ; et il regardait, stupide, tandis que les camarades, en se hâtant, tête en avant, épaule haute, passaient sans prendre garde.

Il appela d’une voix creuse :

— Mousse… où qu’t’es ?

Une voix répondit :

— L’est là, par terre… L’a l’crâne ouvert, comme un vol-au-vent !…

Gaspard tressauta :

— Quoi… l’est foutu ?

La voix reprit, en ronchonnant :

— Probabe qu’il a laissé ça là.

Gaspard ne se sentit plus le courage de rien dire. — Il perdait du sang, qu’il regardait couler et faire une tache noire sur le sol. Français et Boches s’assassinaient ; on entendait des cris sauvages. Une nouvelle marmite siffla, s’abattit, éclata ; le champ s’ouvrit, puis il se souleva, et