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ils avaient de l’eau jusqu’aux chevilles et ne disaient rien.

Gaspard était entre Mousse et le grand paysan, dont la bouche ricanait :

— T’as peur qu’on va t’faire neyer, mon gars ?

— Ah… cré Bon Dieu ! répondit Gaspard.

Deux hommes avaient été désignés pour la garde des créneaux. Les autres, en silence, fumaient, bâillaient, s’enfonçaient bien sur la banquette qui tournait le dos à l’ennemi ; et quelques-uns, de leurs mains boueuses, tiraient d’une poche un morceau de boule, qu’ils se mettaient à mastiquer de leurs mâchoires lasses mais tenaces.

Une marmite vint tomber tout près, avec un bruit mou, celle-là, comme si la terre gluante l’étouffait tout de suite. Gaspard, la tête dans ses mains, crachait dans l’eau où ses pieds clapotaient.

Mousse se râcla les doigts avec son couteau de poche, puis il sortit de sa capote un bout de papier et un crayon, et il se mit à écrire fébrilement.

Gaspard le regardait. Il dit :

— T’écris ?

— Oui, reprit l’autre, c’est pour toi.

— Pour moi ?

— Écoute : j’ai idée que je n’en reviendrai pas.