Page:René Benjamin - Gaspard, 1915.djvu/282

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Gaspard fit, en secouant deux blocs de boue :

— Et ta sœur !

Puis il plongea son bidon dans la mare, et Mousse fit comme lui.

Mousse se sentait dans un étrange état. Il n’avait plus envie de bâiller comme au Dépôt, mais les muscles crispés d’angoisse, il lui semblait certain qu’il marchait à la mort. Hiver, brouillard, un pays trouble et envasé, le tout couleur de terre, l’eau et même les visages. De la boue, tout en boue ; elle vous couvrait jusque sur l’âme.

Quand il redescendit dans un second boyau, qui les amena à une tranchée de première ligne, il eut l’impression nette d’un dernier enfoncement dont il ne sortirait plus. L’eau, de nouveau, rentrait dans ses chaussures, l’eau froide qui, lui glaçant les pieds, lui saisissait tout le corps, et il entendit Gaspard qui redisait encore et simplement : « Cré Bon Dieu ! »

La tranchée où ils s’arrêtèrent, et au-dessus de laquelle des balles filaient en chantant, n’était ni plus abritée, ni plus sèche que les boyaux où, dans la fange et la glaise, ils venaient de faire leur chemin, toujours peinant, et se rattrapant sur un sol qui fuit, entre deux murs qui glissent. — Il y avait pourtant un parapet de pierre et une banquette de boue. Les hommes s’y assirent ;