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médiocre, où il venait de vivre tant de journées lamentables, devînt soudain pour lui quelque chose d’important, qu’il avait presque peur de ne revoir jamais.

À la gare, un commandant attendait pour embarquer la petite troupe. La tête expressive de Gaspard retint ses yeux, et c’est à lui qu’il dit :

— Ah ! les volontaires ? Rien que des braves, des chics Français !

— Nous, dit Gaspard (il était devenu rouge de plaisir), on est rien que des copains et on veut les avoir ! Alors on les aura, et on s’f’ra tuer, et massacrer, et on s’en fout !

— Vive la France ! fit le commandant.

— Vive la France ! reprirent les hommes.

On les installa dans deux compartiments de troisième, et le commandant disparut. Gaspard, en déposant son fourniment, laissa tomber de son képi une petite photographie.

— Tu perds ta femme et ton mioche, lui dit tranquillement Mousse.

Ce mot impressionna Gaspard. Il répondit :

— J’les perds… mais j’les retrouverai.

— Pis, si t’les r’trouves pas, dit quelqu’un, y aura que d’mi-mal, pisque t’as raconté comme ça au commandant qu’ça t’plairait de t’faire zigouiller.

Gaspard dressa la tête. Est-ce qu’on lui repro-