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GASPARD

— Injurié ? dit Gaspard. Ah, c’te carne !… Dites, mon capitaine, j’vas vous raconter, moi, comme c’est arrivé. J’men allais, est-ce pas. V’là qu’tout à coup j’aperçois un guignol derrière moi…

— Veux-tu employer des mots corrects !

— Donc… j’l’aperçois et j’presse el pas. Mais l’aut’e il fait pareil. J’l’entendais qui bottait, qui bottait… Moi, je l’connaissais pas : était-il d’ma famille ? J’me dis : « Philibert, c’client-là, il croit qu’il en tient un : il va voir ! » Quoi, c’est vrai, j’avais rien à me r’procher… Alors, j’me mets à tricoter. Il tricote aussi, il m’rattrape, et il m’dit : « Pourquoi qu’vous courez ? » J’dis : « Pourquoi que j’cours ? Pasque j’suis pressé. » Alors il dit : « Qu’est-ce que vous avez à être pressé ? » J’dis : « Qu’est-ce que j’ai ? Ben, j’ai que j’suis en retard. » Alors il m’dit comme ça : « Vous m’faites trotter d’puis la place d’Armes : v’s avez plutôt l’air ed vous enfuir. » — « M’enfuir, que j’dis, pourquoi que j’m’enfuirais ? » Là-dessus, il m’dit : « Ben, est-ce que vous avez une permission ? » J’lui dis : « Si j’ai une permission ? Probabe que j’ai une permission. » Alors il m’dit : « Comment qu’ça s’fait q’vous la montrez pas, si vous en avez une ? » — « Comment qu’ça se fait que j’la… »

— Dis donc, fit le capitaine, te payes-tu ma