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GASPARD

sources ; tout n’est pas perdu ; tout sera peut-être gagné ; presque tout s’arrange ; la terre tourne tranquillement ; et Dieu ne doit pas être… méchant homme ; — il y avait tout cela mêlé dans la cervelle de Gaspard quand, avant de monter dans le train, il dit très tendrement :

— Bibiche… t’en fais pas !


Lorsqu’il arriva au Dépôt avec cinquante-trois heures de retard, le fourrier s’écria :

— Ben, mon bonhomme, qu’est-ce qui t’attend !

Gaspard prit un air digne :

— D’abord, de quel droit qu’vous m’tutoyez ? Ensuite, il me sembe que j’vous cause pas… Êtes-vous l’juteux ? Non ? Ben alors ?…

Mais le « juteux » accourait. Il n’en dormait plus, Dupouya, depuis deux nuits ! D’avance, il ruminait son rapport. Il bafouilla :

— Ben, ça va être yoli ! Vous, un homme mobiliyabe ! C’est le conyeil et les travaux publics !

Gaspard se campa :

— J’m’espliquerai d’vant les officiers.

Le lieutenant ne tarda pas à venir.

— Ah ! voilà le déserteur !… Et bien quoi donc ?

Gaspard, très raide, répondit :

— J’demande à parler au capitaine.

Le capitaine avait fait la guerre. Un Parisien