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GASPARD

Cette fois Marie se mit à rire, et la mère reprit :

— Pourtant, t’as été bien soigné par les bonnes sœurs.

Il se dressa :

— Oh, les sœurs… c’est pas les curés ! Sœur Bénigne, je l’aurais eue à Paris qu’elle s’rait été d’ ma noce.

— Les curés c’est pareil.

— Y en a… J’en ai vu un, qui m’ vidait toute sa cave.

— Tu vois ? dit la mère.

— Voui, mais l’aut’e qu’à pris cent sous pour la messe…

— Parle donc d’aut’ chose, dit Marie.

Autre chose ! C’est qu’il ne pouvait pas dire ce qu’il pensait. Il pensait de temps en temps avec angoisse : « Y a quarante-huit heures que j’devrais être rentré. » Alors, il recommençait de s’étourdir avec des discussions sur les amputés. Vaut-il mieux perdre un bras ou une jambe ? Malgré l’avis général, il préférait un bras. Trotter, rouler sa bosse, ça c’était toute la vie. Puis, une fois de plus, il racontait ses faits et gestes, et les effets du 75 : « Si ça fait vite ! Ah, pis faut voir les aut’es cochons ! Vous parlez d’une polka ! » Et comme causer lui donnait soif, il buvait un verre à la santé de chaque personne qu’on rencontrait. Il avait donc acquis une douce béatitude, quand,