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GASPARD

chose remit Gaspard sur le mauvais chemin de ses anciennes rancunes.

Il dit, en revenant :

— C’est pas pour dire… et j’ veux rien dire… pasque c’est pas à moi à dire… Mais l’ marabout, s’est foutu d’ nous… Vous prendre cinq francs pour ça, l’a vite gagné sa journée.

— Pisque c’est moi qu’a payé… dit timidement la mère.

— Oui, oh ! j’ m’en balance !… Mais ça fait rien, ma pauv’e vieille, faut qu’ tu sois cagot !

Marie écoutait ; elle avait presque envie de rire. Gaspard reprit :

— Enfin… pourquoi qu’ tu m’as donné une religion que j’étais pas en âge de la raisonner ?

La vieille répliqua :

— Mais pourquoi qu’ tu veux pas croire au bon Dieu ?

— S’agit pas du bon Dieu. Moi, j’ai un gosse : j’ veux qu’ ça soye un citoyen libre.

— Ah ! hi ! Ah ! hu ! fit à ce moment le petit, qui s’accrochait à ses jambes.

— Tu vois, il comprend, il dit voui, et ça c’ t’un gosse que j’veux pas qu’on l’ mène au curé. À quinze ans j’y dirai : choisis, t’es lib’e, et tu peux t’ faire juif si ça t’ plait. Mais j’ te l’ conseille pas… pasqu’ils ont d’ trop sales gueules ! Voilà.