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GASPARD

— Mais… mais si…

Avec toute la candeur de son âme franche et simple, il reprit :

— J’y pense comme ça… Mais pisque j’y pense… j’ crois qu’ vaut mieux : pas attendre… que j’y r’pense pus.

La mère demanda, inquiète :

— T’as-t’il peur, si t’y retournes, d’être tué ?

— Pensez-vous ! Gaspard tué ! Ça m’épaterait ! Non… mais v’là : quand on va faire l’ grand nettoyage, et pis qu’on va tout rarranger, j’ trouve qu’ soi-même faudrait avoir son p’tit truc bien en règle. V’là un gosse qu’est ni chair ni poisson ; avant la guerre ça suffisait. Après, quand c’est qu’on aura lavé tout l’ linge sale, ça m’ ferait d’ la peine à moi qu’il soye pas légitime.

Et s’adressant au mioche :

— Est-ce pas, mon gosse, qu’ tu veux êt’e légitime ?

Les deux femmes comprirent-elles bien sa pensée ? En tout cas, elles le regardaient avec de bons yeux, et la mère, drôlement coiffée ou décoiffée en tête de loup, répétait, le visage tout ému :

— Oui, mon garçon… T’as raison, va mon garçon.

Alors, il n’en démordit pas. Permission de trois jours. Rien d’autre à faire. Pas le temps de se remettre aux escargots. Il allait se marier.