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GASPARD

— Quand y a pas d’homme, est-ce pas, c’est plus facile…

Le portrait de Joffre était sur le buffet. Gaspard dit négligemment :

— Ça y ressembe.

— Tu l’as vu ?

— J’ai vu une lettre ed’son chauffeur. Il paraît qu’ c’est un bon bonhomme.

— Vrai ?

— L’ cœur su la main. Poursoifs tout l’ temps.

Les femmes écoutaient, admiratives. Il dit à sa mère d’un ton plein d’émotion :

— Et c’te pauv’e vieille, elle louche toujours ?

La mère répondit gaiement :

— Et toi, toujours ton nez d’ travers !

— Toujours… quoique j’ le chauffe. Quand j’ fume la pipe, j’ la fourre dessous ; quand l’ pif est chaud, j’ le remets d’aplomb ; et pis ça r’vient : tu sais c’ que c’est.

Ils riaient tous trois. Puis, lui, de nouveau :

— Ah ! Pantruche ! Ah ! Paname ! Ah ! r’voir toutes ses bricoles !

Soudain, il se leva.

— Et la boutique ? Les escargots ? Avec une chandelle il descendit… Et il remonta mélancolique :

— C’est la guerre… Probabe qu’eux aussi ils sont mobilisés…