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GASPARD

— à l’agrégé qui pourtant pestait, piaffait, voulait partir, il avait dit :

— Toi, encore, t’ laisseras rien. Mais moi, mon salé, si les Boches ils m’ font mon affaire, penses-tu qu’ ça sera les députés qui y apporteront des œufs su l’ plat !

Et alors, tout en bougonnant, il s’accommodait parfaitement de son sort détestable, et il patientait.

Sa patience s’écroula tout à coup.

Cela devait arriver : Gaspard est tout impulsion. Quoique actif et quoique généreux, il sait bouder, s’entêter, faire la marmotte… jusqu’au jour où la tentation se présente et s’impose. Alors, la prudence qui n’est pas son fait, et la mollesse, cette intruse, décampent rien qu’aux battements de son cœur. Il s’anime, parle, agit, et il ne se souvient plus qu’on peut avoir peur pour sa peau.

C’est le fourrier qui, par une phrase, le remit d’aplomb. Il lui dit :

— Ceux qui retournent au front, ont droit à une permission de trois jours.

— Trois jours, fit Gaspard, et pour où ?

— Pour partout.

— Pour Paris ?

— Pour partout.

— Sans blague ?

Revoir Paris ! Sa « vieille », sa femme, son