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GASPARD

A… c’est une préfecture où rien ne passe, rien ne court, où l’on ne voit pas le ciel en se penchant sur un pont, où tout est à l’endroit, où les pavés sont pointus, où il y a plus de pharmaciens que de confiseurs.

Aucun monument inutile : ni fontaines, ni vieille tour en ruines ; pas même une statue ; la gloire est aux risque-tout, la prudence aux Normands : A… compte quatre notaires.

Les indigènes vous montrent un asile de fous : il ne renferme que deux mille maniaques sans fantaisie. Ville médiocre, dont les vertus pratiques ne brillent pas dans l’histoire, mais s’apprennent dans les atlas. Son nom rappelle l’aridité des études, plus que l’honneur du pays. On demande le nombre de ses habitants pour s’expliquer sa raison d’être, et on guette leur raison d’être sur la face des habitants.

Quand on a passé par A…., on n’a jamais rien à conter aux amis.

Il ne faut pas visiter, mais traverser. Il ne faut pas regarder la halle aux toiles qui n’est que carrée, la halle aux blés qui n’est que ronde, l’hôtel des Postes qui n’est que neuf. On n’apprend rien de plus que dans le Bottin, où on lit : Foires importantes. Commerce de grains.

Il n’y a qu’une maison qui soit touchante : maison modeste et toute petite, où l’on apprend