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GASPARD

les femmes sont bêtes ! Ma belle-sœur… c’est pourtant une femme intelligente, ma belle-sœur… Eh bien, Dieu qu’elle est bête, ma belle-sœur ! »

Sur ces mots sacrilèges, Gaspard le rattrapa. Il clignait de l’œil.

— Hé, vieux… dis donc… j’ai dégoté une combine.

— Pas possible !

— Quand y aura des décès à « l’hosteau… »

— Eh bien ?

— C’est nous qu’on va être de piquet d’enterrement !

— De piquet ?… Ah !… Qui te l’a promis ?

— L’ fourrier.

— Mais… y a-t-il beaucoup d’enterrements ?

— Parait qu’ ça donne pas mal…

En moyenne, il mourait à l’hôpital un blessé tous les trois jours. Donc, tous les trois jours, on vit Gaspard et Mousse mettre ceinturon et baïonnette et sortir de la caserne au pas, pour aller suivre des corbillards. — Les premières fois, ils furent bouleversés par les sanglots de la famille, la mise en terre, le discours du préfet, gros homme à la voix chaude, qui avait une façon poignante de dire : « Adieu, petit soldat !… Adieu ! »

— C’est trop bête, faisait Gaspard, c’est plus fort que moi : j’ pleure comme un veau.