Page:René Benjamin - Gaspard, 1915.djvu/231

Cette page a été validée par deux contributeurs.
224
GASPARD

— Moi, dit Gaspard, moi… j’ sens encore ma fesse de temps en temps.

— Tu la sens, dit Moreau, ben cours y dire ça tout de suite au major !

Gaspard réfléchit, puis il répondit :

— J’irai… et l’aut’e cochon d’adjupette, il m’aura pas !

C’était là son vrai mobile : un mauvais amour-propre. Il oubliait la guerre des Boches. Il entamait la lutte avec Dupouya.

Et dès la première manche, il eut le dessus.

Il étourdit te major, qui dit :

— Bon… eh bien, allez, et revenez me voir.

Il revint tout de suite, avec de nouveaux motifs de plaintes. Le major dit :

— Soit… eh bien, reposez-vous.

Il se reposa ; puis, encore la visite ; et le major conclut :

— C’est vrai… Je reconnais… Inapte…

Ah ! Pouvoir aborder Dupouya, dont la langue roule déjà : « Vous yèdes mobiliyabe » et lui annoncer en dégustant ses mots, avec des yeux gouailleurs :

— M’n adjudant… j’ suis inapte !

Gaspard en eut de la joie pour trois jours.

Pas plus de trois jours — car la vie de caserne, cette vie de limace, fut tout de suite insupportable à sa nature grouillante.