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GASPARD

— Des farceurs ? Mobilisables !

Et ceux-là partis pour le feu, aux autres il donnait en hâte tous ses soins. — Le quartier résonnait de ses appels en charabia. Il semblait le grand maître du sort des hommes, quelque chose comme un secrétaire bouffon du Destin.

Seulement, Gaspard n’avait pas paru. Avec Gaspard il connut le revers de la médaille humaine, la résistance, l’échec. Gaspard l’affola.

C’est qu’il faut savoir prendre Gaspard. En rentrant au Dépôt, il se disait parfaitement : « Je suis guéri. Dans huit jours je serai au feu. » Mais la manière tendancieuse, accusatrice et satisfaite, dont l’autre vint lui servir son refrain : « Vous, vous yèdes mobiliyabe ! », lui parut une insulte et il se hérissa :

— Ça va bien !… On verra l’ major.

Entre-temps, il retrouva Moreau, — Moreau qui, blessé lui-même, puis guéri, passait des jours entiers sur la paille à faire la « manoche ». Gaspard eut d’abord une joie sans bornes à retrouver ce « copain », avec qui il s’était battu, et auprès de lui il se renseigna :

— Que qu’ c’est-il que c’ dégoûtant-là ?

— T’ fais pas d’ mousse, dit Moreau. C’est pas lui qui m’ fra r’voir les Boches.

— Comment ça ?

— J’ai l’ filon.