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veloppe. Alors, il l’arrêta d’un geste : il en prit une et la lui tendit. — Pour elle ? Oui. Elle murmura : « Ça… c’est gentil… » C’était l’adieu de Gaspard, son souvenir et son remerciement. Et elle reposa la lampe et s’en alla, la sœur Bénigne, en pensant : « Dieu est bon, et il a fait l’homme à son image. »

Le lendemain, après avoir une dernière fois fourré son nez partout, à la cuisine comme au jardin, il s’en vint dire bonsoir aux trois femmes qui l’avaient choyé, gâté, guéri. Il tenait son képi à la main, tout ému. — Il quittait une fois encore des habitudes et des amis. La guerre le reprenait dans son tourbillon. Il partait pour son dépôt ; il n’imaginait plus l’avenir. Quelle vie ! On s’attache, puis on s’arrache, et toujours du nouveau, alors qu’un cœur simple et tendre s’accoutume si vite.

Il se trouva tout désorienté dans la rue. — Trois fois il se retourna pour voir l’hôpital. Puis il marcha droit devant lui. Il arriva à la Loire, large et superbe, qui avait l’air d’ouvrir le miroir de ses eaux au soleil couchant. Gaspard se moquait du soleil. Il bâilla.

Son train était à 9 heures. Où promener jusque-là sa mélancolie ? Rôder par la ville ? Quand on est de Paris, on ne tient pas à connaître la province. Il décida plutôt de se payer un bon