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GASPARD

Et il ne chantait pas.

Gaspard n’avait pas le cœur à dormir. Il venait d’entendre ces derniers mots. Il se dressa sur son séant, dans son lit, puis il rejeta ses couvertures, enfila sa culotte, et furtivement, à quatre pattes, il se coula hors du dortoir.

Et alors… alors au bout de deux minutes, le coq chanta.

C’était une voix un peu étrange, éraillée, un peu trop humaine. Mais le sergent s’arrêta d’étouffer :

— Ma… ma sœur, entendez-vous ?

— Je vous l’avais dit, fit-elle. Il est quatre heures. Il avait confiance : le jour allait paraître. Il mourut calmé, presque en souriant.

Dudognon aurait voulu embrasser Gaspard. Il ne le permit pas ; il dit furieux :

— Ça y est ; ma fesse s’est rouverte !

— Ta fesse ?

— Oui, ma fesse, ma sale fesse !

C’était vrai… En chantant… l’effort… l’émotion… Sacré Gaspard !

Il dut se recoucher, et ce fut son tour de geindre, car la fièvre le reprit. Alors, le lendemain, le docteur fut terrible, et le menaça s’il bougeait de son lit. Pas même moyen d’aller à l’enterrement du camarade. Quelle mélancolie !