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GASPARD

la mort étreignait le sergent, le serrant un peu plus tous les jours.

Un soir, enfin, on hocha la tête. Sa mère était à Paris. L’infirmière-major demanda l’aumônier.

On avait mis un paravent, comme toujours pour cacher les moribonds, en sorte que l’on ne pouvait rien voir, ni le prêtre, ni les sœurs, ni l’agonisant. Mais sur le mur blanc, ils se projetaient en silhouettes noires, énormes, et c’était comme une extrême-onction sinistre et géante au pays des ombres. — Gaspard et Dudognon avaient la gorge serrée.

Le sergent agonisait, mais ne mourait pas. Il avait toute sa tête, et il lui semblait, se raccrochant à la suprême espérance de ceux qui meurent la nuit, que s’il atteignait le jour, peut-être encore il s’en tirerait. Mais le jour… le jour était si loin !… il demandait l’heure toutes les minutes avec angoisse. La sœur, patiente, lui répondait doucement. Vers minuit, comme il étouffait davantage, il dit :

— Est-il bientôt quatre heures ?…

Et la religieuse eut ce mot divin :

— Oui, mon petit… Encore un peu de courage et on va être « rendu… »

Mais soudain, il se désespéra ; il se mit à pleurer ; il geignait : « Y a un coq… un coq qui chante à quatre heures… »