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quitta son enfant, elle eut un regard à fendre l’âme, car elle comprenait bien qu’il était très touché.

Dans l’escalier, elle le dit à Dudognon en pleurant. Lui, reprit avec une délicatesse rusée, qui sentait l’homme de loi :

— Je crois qu’il s’en tirera… Je vous promets, Madame…

Mais elle ne l’écoutait même pas. Elle était appuyée au mur, bras ballants, lamentable, et des larmes plein la gorge, elle disait :

— Nous l’avons pourtant bien élevé, Monsieur… C’est affreux, vous savez, de tuer comme ça des jeunes hommes bien élevés… Nous, on est que des ouvriers, mais lui… il était dans un bureau, Monsieur. Et il s’intéressait aux choses… Oh, mon Dieu !… Mon Dieu, que je suis malheureuse !… Il lisait des livres, Monsieur, que rien que les titres, ça me donnait du respect pour mon garçon…

La pauvre ! Elle revint la semaine d’après. Il était affreusement changé, le bas du corps paralysé, et le haut se prenait peu à peu d’une horrible façon par le ventre qui devenait raide et tendu, puis les poumons qui étouffaient, et dont les râles, déjà, étaient une agonie.

Cette fois, comme sa mère parlait, le blessé put à peine répondre. Il avait des yeux égarés. Il