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GASPARD

ôtait les pansements qui collaient à la chair. Et, quand, à l’heure des repas, elle lui choisissait un beau fruit, l’ayant d’avance en main, elle avait l’air, devant son lit, de fouiller au hasard, dans le panier. Elle eût été gênée qu’il la remarquât.

Il y avait quotidiennement, pour les blessés, deux minutes rares et délicieuses : le jour qui venait, elle qui entrait. — C’était une bouffée de bon air pour la salle. Elle arrivait fraîche comme le matin. Ses yeux riaient ; elle avait l’air de dire : « Qu’est-ce que vous faites là, dans vos lits ? » Et tous ces hommes se sentaient un peu bêtes d’être blessés…

Elle avait des cheveux d’un blond vif dont les plus fins s’échappaient de sa coiffe blanche, et lui chatouillaient les tempes. Alors, elle les rappliquait sur l’oreille, d’un geste impatient, du revers de sa main. Une mince chaînette en or, où pendait une médaille, s’animait sur son cou, aussitôt qu’elle trottait. Et elle était drôle, active, espiègle, endiablée.

C’était elle qui rangeait l’armoire à linge, empilant les mouchoirs et étalant les draps. Elle y disparaissait dans son armoire, rentrant, ressortant, la main si prête et si soigneuse ; et vers midi, quand le soleil pénétrait à flots dans le dortoir, elle était une preuve charmante qu’on ne