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GASPARD

suite, en marchant, en souriant, elle mettait du charme et de l’intimité dans une salle banale et froide.

Elle s’appelait Mme Arnaud. Elle était mariée et jeune mère : elle parlait de ses bébés qui jouaient dans un jardin. Et l’on pensait que si les caresses d’une femme embellissent les enfants, ceux-là devaient être d’une grâce singulière. Depuis Ève on n’est jamais sûr qu’un grand charme ne cache point quelque coquetterie. Raphaël eût peut-être dit de cette femme : « Non… j’aime mieux les Vierges. » Mais Reynolds aurait demandé à la peindre.

Elle, elle n’était pas toute simple. Elle avait de la noblesse naturelle, mais quelque apprêt dans la distinction. Bien née, et mieux élevée encore. Et on se la représentait dans un beau parc, où des arbres forts s’épanouissent librement, mais dont les pelouses sont tondues, les allées sablées, et les vases fleuris. En robe blanche d’infirmière, il n’est guère facile de raffiner sur la toilette. Pourtant, si le cou est bien pris et que le pied soit bien fait, on se chausse avec goût, et on échancre son corsage. — Mme Arnaud savait le prix d’un col fin, dégageant un haut de gorge blanche, et elle portait sous sa jupe courte des souliers minces, qui laissaient voir des bas bien tirés sur des chevilles charmantes.