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GASPARD

— J’ garde que mon gosse.

On se mit à rire. Mais du fond de son képi il tira une photographie un peu jaunie, où on voyait un moutard demi-nu, et il la montra à toutes ces dames.

— Voilà. Si on avait pas des « salés » on saurait pas s’ battre tellement bien !… Mais faut qu’ ces mioches-là, ils soyent heureux pus tard ; faut qu’ils puissent faire leur boulot, pis aller au cinéma sans s’ dire tout l’ temps : « Les Boches ils vont nous tomber su l’ poil… » C’est la dernière fois qu’ils y tombent, et… ils tomberont plutôt su l’ blair !

Et il conclut :

— Elle s’ra pas chère, c’t’ année, la peau d’ cochon.

Après quoi il conta des embuscades terribles, où il y avait plus d’obus que de « bon’ hommes », et des histoires de train attaqué par les fous… Et… et il se gâtait Gaspard ; il devenait blagueur, excessif : le Parisien dans ce qu’il a de pire ; presque déjà l’invalide pie-borgne qui, après s’être battu, bavarde jusqu’à la fin de ses jours. La dame mûre lui dit, un doigt sur son nez :

— Vous n’avez pas l’air malade… Je ne sais pas si vous allez avoir un lit…

Il s’arrêta net et la dévisagea avec inquiétude. Mais la jeune fille reprit :